"Un tatouage dans le cerveau."
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Image par Sayaka Photos de Pixabay |
La journée avait été longue et pesante. Pas spécialement amusante ou forte en émotion mais juste interminable. A peine rentrée à la maison, je me pris un verre d’eau accompagnée de rondelle de citron pour me revitaliser de cette chaleur intenable de l’extérieur. Malgré qu’il soit dans l’heure du goûter, entre 15 heures et 16 heures, je ne ressentais pas la faim et j’optai donc pour « ne pas me remplir le ventre ». Après m’être réhydrater un peu, je me précipitai dans ma chambre afin d’y débarrasser mes affaires de cours. Quelques secondes après avoir franchi le seuil de mon domaine, comme je l’appelais, je poussai un léger soupir à la vue du désordre qui régnait dans celle-ci. Il y avait un assemblage de tout et de n’importe quoi que je n’avais pas pris le temps de ranger sérieusement en raison de préoccupation extérieures et personnelles. Plus je me laissai dans ma réflexion et plus je pensais que tout compte fait, elle reflétait ce que je ressentais depuis quelque temps. Tout était confus et sans dessus dessous depuis que ma vie avait changé toute trajectoire. Ce temps d’introspection et de légère nostalgie dura quelques temps, je dirais presque cinq minutes, mais je ne sentis pas pour autant. J’étais comme déconnecté quand j’empruntais le chemin de ce souvenir. Je revins tout de même à moi et me posai sur mon lit double.
Je m’allongeai sur mon lit et regardai le plafond immaculé de blanc. Je me perdis dans ce vide que m’offrait cette vue et mon esprit erra vers des limbes plus paisible. Puis, sans que je le veuille et que je ne me rende compte, j’eus un léger goût salé au niveau de ma bouche. Je commençais à pleurer. Malgré le fait que je n’aimais pas que les choses se passent sans que je l’ai décidé, je ne chargeai pas à contrôler ce flux d’émotions. La vérité, c’est que je me retenais depuis bien trop longtemps. Je m’étais préservée à ne plus ressentir la moindre attache trop affective au risque que tout parte en éclat pendant presque 5 ans. Je m’étais reconstruite après le chaos qui avait régné dans ma vie. Je m’étais forgé une carapace mais tout cela était épuisant. Tellement que, certains soirs, la météo de mes émotions décidaient de n’en faire qu’à sa tête et m’explosait le tout à la figure et remettant ainsi film devant les projecteurs que sont mes yeux. Face donc à cette toile blanche, les brides ancrées comme un tatouage dans ma mémoire, retranscrivait une part de moi que je ne souhaitais à personne.
« C’était en vendredi et je rentrais du lycée. C’était un bâtiment très accueillant où je me sentais assez intégrée par l’hospitalité de mes camarades et surtout par la présence de ma meilleure amie, Cassandra. J’avais fini ma journée par un cours de sport en plein soleil. De ce fait, la seule chose que je voulais c’était une bonne douche mais je refusais l’utilisation des vestiaires car je ne me sentais pas suffisamment à l’aise et puis ma salle de bain était largement mieux. Cependant, je devais encore remontée chez moi pour cela. Même si je n’avais pas un élan de motivation au maximum, je réussis tout de même à me mettre en route. Je n’habitais pas très loin de mon ancien bahut, à une vingtaine minutes. Je marchais au rythme de la musique. Perdue dans la bulle que formait la musique, je regardais d’un œil discret le paysage. Quand je me rapprochai de la maison, je pressais un peu le pas. J’étais pressée de retrouver mon petit chez moi où régnait une belle petite harmonie. Nous avions une vie simple, ma sœur, mon frère, ma mère, mon père et moi. Mon père travaillait dans les finances et ma mère dans les arts. Notre maison était très colorée par les goûts de ma mère. Tout le monde aimait ce que dégageait la maison. Ma sœur, mon frère et moi, nous avions des caractères différents ce qui permettait d’animer la maison comme une pièce de théâtre. A cinq minutes de la demeure, je remarquai comme quelque chose dans l’air. Une atmosphère nouvelle se mettait en place. J’accélérai encore un peu, mais plus aussi sereine qu’au départ, plutôt anxieuse. Une fois que j’eus véritablement la maison en vue, j’en fus pétrifiée, choquée. Enfin, honnêtement, c’était le déluge des émotions. Je ne comprenais pas ce qui se passait, du moins je ne voulais pas que cela soit réel. Devant mes yeux, ma mère se faisait arrêter.
A partir de là, tout se passait très vite. Les
policiers me virent au bout de quelques minutes. Ils m’interrogèrent sur mon
identité et quand je leurs ai dit que j’étais sa fille, leurs expressions
changèrent. Ils avaient comme de la pitié. Par rapport à ce qui se passait avec
ma mère et dans ma famille ou le fait que j’ai assisté au spectacle ? Je
ne savais plus où me mettre, ni comment et ni quoi penser. J’étais comme
absente de la réalité. Il me fallut du temps pour revenir à la réalité. Quand
mon état de choc, d’inconscience se dissipa, tout s’assemblait dans mon esprit
et je compris le pourquoi du comment. Pourquoi ma mère devait aller où elle
devait. Je n’osais pas la regarder dans un premier temps. Je ne savais pas si
je voulais lui cirer dessus ou pleurer
face à elle voire dans ses bras. Mes émotions étaient trop fortes et
incontrôlable. Je tentai de faire des petits exercices de relaxation pour
mettre un peu de calme dans la tempête qu’il y avait en moi. Puis, les émotions
laissèrent place à la raison et je me suis dit que c’était tout de même ma
mère, celle qui pour le coup m’avait mis au monde. Quand cette information me
revint en mémoire, j’osais lui adressais un regard mais pas n’importe pas
lequel. Ce n’étais pas celui que je lui
donnais tous les jours, rempli de douceur, mais plus un qui soit trempé dans de
la tristesse avec un peu de colère amer. Je voulais qu’elle se souvienne de moi
comme celle qu’elle avait brisée avec ses conneries. Par la même occasion, par
ce contact visuel, je lui adressais un Adieu Maman.
Quelques minutes plus tard, ce moment désagréable
n’existait plus. Les voisins prirent
conscience de ce raffut mais sans le crier à tout le monde. Les policiers ainsi
que ma mère partirent et je restai là toute seule à voir le soleil descendre
comme toute joie de vivre qui était en moi. Je me posais un instant sur le sol
bétonné froid. Bizarrement, sur le moment, je me sentais bien dans ce confort
glacial. Malgré ce moment paisible après la tempête, je rejoignis tout de même
la maison avant que mon père et les
autres habitants n’y rentrent. A peine ai-je frôlée le sol, je me faufilai dans
la salle de bain. J’avais besoin d’évacuer tout cela avec des larmes et un fond
sonore pour m’apaiser un peu. Je me déshabillai en vitesse. Je ne voulais plus
avoir ces habits qui était imprégné de ce moment, ce dernier instant avec ma
mère. Je me retrouvais donc nue en moins de temps qu’il en fallait. Je me
contemplai un peu, une fraction de seconde, puis je m’effondrai en larmes. Je
venais de perdre contact avec ma mère pour peut-être toujours. Je ne l’avais
pas montrer, j’avais fait la forte, mais j’étais brisée en mille morceaux.
J’étais dévastée, tiraillée entre tristesse et colère.
Je me fis
couler un bain. Le temps que l’eau fut à la convenance idéale, je me retenais
de me faire du mal devant le miroir. Je me contenais de briser le miroir ou de
me griffer. C’était une défense que j’avais quand j’avais un débordement
d’émotions négatives. La dernière goutte d’eau, avant que la baignoire n’inonde
le tout, se fit ressentir dans l’espace-temps
silencieux et je me calmai par la même occasion. Je m’y insérai et me laissai
tout doucement dans la détente que cela me procurait. Au bout de quelques
instant, j’y plongeai ma tête sous l’eau et eut une sensation d’apnée.
Cependant, je ne restai pas très longtemps et émergeai rapidement pour
reprendre de l’air et revenir à la réalité. Pourtant, je voulais la fuir. Je me
demandais si j’allais être aussi forte pour affronter tout cela. Une fois ce
moment passé, j’entendis mon père crier
« Jude » et je lui répondis sur la même intonation que j’arrivais.
Quand je fus sur le seuil du salon, il me demanda où était Paula, ma mère. Je
fuyais la question, c’était trop tôt encore pour moi. Je me retenais de pleurer
puis en me contrôlant, je lui dis d’une petite voix, c’était la seule force que
j’avais à ce moment-là : « Elle est partie avec les policiers, je ne
sais pas si elle va revenir ». Le silence s’installa longuement, rempli la
pièce et le cœur de tous puis mon père cria pour casser le briser :
« Ce soir on commande chinois » et tout le monde fit un léger
sourire. Tout va bien dans le meilleur des mondes, me dis-je.
Les semaines qui suivirent, cela fit étrange au début. Il y avait quelqu’un en moins dans le tableau de la famille. Le silence était le nouveau membre. L’atmosphère était pesante. Au bahut, je faisais comme si tout allait bien. Cassandra ne disait rien mais je savais au fond de moi qu’elle soupçonnait quelque chose. Si c’était bien le cas, je savais qu’elle attendrait que je veuille dévoiler la bombe que j’avais à la place du cœur. Le temps passait donc à une vitesse folle et je parvins à m’habituer à l’absence de ma mère. Les seules fois où cela revenait comme une brise violente de vent, c’est quand on me demandait comment elle allait. Je bredouillais des réponses toute faites et souriait tout en espérant que l’interlocuteur n’allait pas s’attarder dessus. Au niveau de la famille, les choses furent différentes. C’était comme la dérive des continents. Le départ de ma mère, même s’il n’était pas définitif, avait provoqué le déclenchement des plaques tectoniques qui relier certains membres de la famille entre eux. C’est quand on se retrouve confronté à une situation compliquée, qu’on voit qui sera là. Mon père s’est senti seul, tout comme ma sœur, mon frère et moi. Nous avions besoin de soutien dans cette période mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Nous avions besoin de force car nous n’arrivions pas à en trouver en nous. Alors certaines choses qui semblaient logiques se passèrent. Nous nous cassâmes la figure chacun à notre façon. Pour mon père se fut le refuge dans l’alcool, pour mon frère il rencontra une amie, Marie Jeanne, ma sœur se referma totalement sur elle-même jusqu’à à peine parler. Pour ma part, je pleurais longuement et j’eus une légère addiction à la cigarette qui se stoppa après quelques mois de suivi.
Les moments les plus durs ont été de rentrer dans
cette réalité que ma mère nous avait entrainé dedans : toutes les
procédures d’avocat, qui coûtait cher quand on avait un père qui sombrait dans
la décadence liquide, les moments perdus entre mère et fille, les mensonges qu’on
racontait à certaines personnes pour ne pas à avoir tout raconter et surtout
les moments de visite. Au début, je ne voulais pas m’y rendre. Je ne me sentais
pas prête ni forte. Cela faisait déjà 6 mois qu’elle était là-bas. 6 mois que
nos vies avaient changées du tout au tout. Dans l’attente que je me sente
capable d’affronter cette réalité, je noircissais des pages et des pages sur ce
que je ressentais. Ce que je lui reprochais. Ce qu’elle m’avait enlevé. Ce
qu’elle avait fait à notre famille. Je lui disais que je la détestais. Que la
rose rouge d’amour que j’avais pour elle avant, se ternissait d’encre noire.
Puis, deux mois plus tard, je me disais : « vas-y essaie ».
J’avais pris rendez-vous. C’était un mardi. La veille au soir, j’avais demandé
à Cassandra de m’envoyer un beau message rempli de douceur. Elle le fit sans
poser de question. Je me sentis mieux et plus forte. Le lendemain après-midi,
je me confrontais à ce que j’essayais de fuir.
Je me tenais devant la bâtisse. Elle était lugubre, froide et pas du tout accueillante. J’avais l’impression qu’il ne faisait pas la même météo. A peine entrée, je me sentais dévisagée et mal dans ma peau. Il y avait des regards et une atmosphère pesante, désagréable. On me fit faire une fouille corporelle puis me demanda d’attendre dans la salle d’attente. Elle était sans vie, grise avec un éclairage plus que médiocre. Assise, je me demandais qu’est-ce que je faisais ici. Le temps fut longtemps jusqu’au moment où on appela mon nom de famille. Je me levai et rejoignit la surveillante. J’essayais de faire un peu de conversation pour me détendre mais rien n’y faisait : ce n’était pas son fort du tout de mettre l’ambiance.
Le silence s’installa doucement et
brutalement le long du couloir. Il était froid et insécurisant. C’était comme
une sensation de mort qui régnait. Je me sentais comme une condamnée à mort et
qu’au bout c’était le paradis. J’entendais des bruits qui émanaient des autres
cellules. C’était vraiment horrible. Je me disais que je pouvais me déplacer, que
j’avais cette liberté que ces personnes en étaient privées. Que je marchais
d’une certaines façons pour elles. Arrivée devant la cellule de ma mère,
j’avais du mal à la reconnaître. Celle qui était en face moi, ne correspondait pas ni plus au souvenir que j’avais d’elle.
Son visage était marqué par la culpabilité, par la solitude avec une once de
folie légère. Elle ne ressemblait plus à ma mère. J’avais du mal à soutenir le
regard. Quand j’essayais de faire une connexion visuelle, le dernier souvenir me
revenait de plein fouet. Je n’arrivais pas à parler. Je l’écoutais d’une
oreille discrète. J’étais comme déconnectée et hors du monde. Je me sentais mal
alors que j’étais à l’extérieur. J’avais envie de partir mais une part de moi
était contente d’avoir retrouvé ma mère le temps de peu. Certes je ne pouvais
pas la toucher mais la voir était une chose. J’étais donc partagée entre
plusieurs sentiments. Le temps de la visite dura presque une heure.
A peine sortie
de la prison, j’avais l’impression de respirer de nouveau. Je rallumai mon
téléphone et envoya un message à Cassandra pour qu’on puisse se retrouver. Nous
nous donnâmes rendez-vous au parc dans une heure. Je pressai le pas et me
rendis à l’endroit. Je l’attendis quelques minutes, dix minutes. Assise sur le
banc, je jouais avec une mèche de mes cheveux ébène. A peine je la vis au loin,
je me relevai et elle vint se nicher au creux de mes bras. Elle avait compris
que ce n’était pas rien. Je pleurai légèrement dans ses bras puis on se rassit
et je lui déballai l’essentiel.
Suite à cette confidence, j’avais une personne pour me
rendre plus forte. Les choses se passèrent un peu mieux par la suite. Elle
était là à chaque fin d’entre vue. Elle me faisait oublier tous les malheureux
dans lesquels je vivais. Elle essayait d’aider ma famille pour équilibrer mon
bonheur mais cela ne fit rien. Elle me proposa d’habiter chez elle le temps
d’un instant afin d’être dans un meilleur confort. Sans demander à mon père, je
rassemblai mes affaires et emménageai donc chez elle. Cela dura le temps de la
fin du lycée. La situation se stabilisa un peu. Une fois diplômées, nous nous
rendîmes dans des universités différentes. On communiquait régulièrement et on
s’aimait toujours. On se voyait de temps en temps. »
Le film de mes souvenirs s’arrêta. Je me sentais vidée
et soulagée d’avoir fait cette projection. Je fermai les rideaux de la salle de
cinéma et calma ma respiration. Je repris mes esprits au bout de quelques
instants. Quinze minutes plus tard, je reçus un message de Cassandra me
demandant si j’allais bien. Je lui répondais que j’allais mieux maintenant.
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By Yma.
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